The still point

Il y a bien quelque chose...
Il y a bien quelque chose de spécial qui unit l'homme à l'océan de manière si intime.
Nombreuses sont les explications rationnelles, biologiques, médicales.
Mais il y a, de toute évidence, des raisons métaphysiques ou tout du moins davantage spirituelles capables d'étayer ce lien mystérieux et pourtant si palpable.

Sujet déjà hautement théorisé notamment par le vertiginieux Joël de Rosnay, l'océan ne pourrait-il pas nous permettre de mieux comprendre notre existence et ressentir notre rapport au temps et à l'espace ?
Au travers de la métaphore du surf, des légendes du surf évoquent leur rapport à l'océan, et à l'eau plus généralement dans le film The Still Point.

C'est le poème de TS Eliot intitulé "Born Norton" qui a inspiré ce film. L'auteur y évoque ce "style point", concept quasiment intraduisible en français et difficile à comprendre.
"Au point mort du monde qui tourne...
Là où le passé et le futur se rejoignent...
Aucun mouvement, ni vers le passé ni vers l'avant...
Si ce n'était pour ce point, le point mort,
Il n'y aurait pas la danse...
Et il n'y a que la danse."
Le still point pourrait donc représenter ce point, ce moment, cette goutte d'éternité où la mer est calme, sans vent ; l'endroit où la mer semble immobile, éternelle, et pourtant se trouve en mouvement simultanément.

Faisant écho au majestueux "Oh temps suspends ton vol" cher à Lamartine, ce still point représente pour certains le lien, la porte invisible et éternelle qui unit toute chose dans l'univers.
Ainsi, la forme incurvée et courbe de la vague symboliserait ce lien...
"the golden ratio", cette forme mathématique que l'on retrouve partout dans la nature : dans la forme des galaxies ou la double hélice de l'ADN humain, la forme et le dessin des plantes, ou même dans la théorie de la physique quantique qui montre qu'une expérience ne se déroule pas physiquement de la même manière selon que l'on observe les interactions entre les éléments (le surfeur et l'océan) ou pas.

Le surf, ou plus généralement toute activité de danse aquatique (nage, plongée, apnéisme) nous offre-t-il donc une expérience "sacrée" du temps ?
Constitue-t-il un des moyens de percevoir cette dilatation du temps, et de gouter réellement au "temps présent", à ce "temps-repos" ?

Le film pose tour à tour un bon nombre de questions des plus simples aux plus profondes sur l'eau et l'océan...pourquoi est-ce si agréable et drôle de plonger dans l'eau, peut-on réussir à ne faire qu'un avec l'élément comme pour retrouver la suprême tranquilité de l'état foetal, l'océan a-t-il une conscience, est-il vivant ? la perception du temps change-t-elle dans l'eau ?

Le film n'élude pas à l'inverse la possible fuite que peut constituer la relation à l'eau et à l'océan...aussi, le célèbre bodysurfeur Mark Cunningham se demande s'il ne va pas depuis tant d'années dans l'eau pour se cacher, comme pour se libérer de soi-même, s'oublier, et donc dans un sens, pour fuir...

Un film orientaliste pourrait-on dire sur l'eau, l'océan et la connexion entre toute chose...

Film qui vient de recevoir cet été le prix du meilleur montage au festival du film de surf d'Anglet. Détail technique qui ne peut que renforcer l'envie de le visionner.



"At last opening my eyes
I see my life
Through your lake of light"

FBC

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