Global waves conference

La première conférence sur la valeur potentiellement juridique des vagues et la problématique de leur reconnaissance se déroula à Biarritz le 24 octobre dernier.

La disparition d'une vague, et donc d'un spot, a pour conséquence, en plus de la perte d'un lieu de joie pour les surfeurs et autres baigneurs, des répercutions tant environnementales qu'économiques et sociales.

Les interventions (scientifiques, juristes, économistes, élus locaux) tournaient autour de trois axes de travail :


- Comment définir la valeur d’une vague ?

"Tenter de définir la valeur d'une vague, c'est comme mesurer la valeur de la nature. L'étalon monétaire ne saurait suffire. Car une vague possède une dimension patrimoniale, récréative, sociale, environnementale difficile à quantifier" souligne d'entrée l'économiste Julien Milanesi.
Toutefois une analyse globale du potentiel virtuel d'une vague pourrait permettre de mesurer l'économie locale générée par la pratique du surf. Il est ainsi proposé d'évaluer la perte financière qu'occasionnerait la disparition de cet espace ludique.

Dans cet esprit MC Aragon, conseillère générale de Bayonne évoqua alors la prise de conscience des décideurs politiques non pas seulement pour la valeur des vagues, mais de l'environnement plus général marin et côtier, socle de l'économie touristique et de l'image du pays basque et du département autour de quatre paramètres :
- hausse de la population littorale (180.000 hbts en hausse de 12% par rapport à 2005)
- activité portuaire (Cf. le port de Bayonne)
- Tourisme et notamment "écologique" toujours plus recherché de nos jours (33000 touristes par jour en période estivale)
- industrie de la glisse
Les politiques ont donc voulu mettre en lumière leur prise de conscience du poids économique de l'eau dans son ensemble au travers notamment de leurs travaux en matière de qualité des eaux de baignade :
210 millions ont été investis depuis 1995 pour les travaux d'assainissement (afin de juguler la pollution des rivières et de la terre) comme à Cénitz avec la création de la première station d'épuration avec filtration par membranes et 11 communes structurées autour d'un outil de gouvernance globale, le SAGE cotier basque et les contrats de bassin. Le projet de suivi de la qualité des eaux Lorea fut également évoqué.

Une étude sociologique du surfeur a essayé d'apporter quelques clefs supplémentaires en tant qu'agents de développement économiques d'une région.
Le surfeur aujourd'hui est difficile à cerner socialement. Plusieurs études et sondages ont démontré que plus les vagues sont belles et nombreuses, plus le nombre de pratiquants s'accroit, générant ainsi toujours plus d'économie autour de ce sport. Nous serions ainsi 20 millions dans le monde à aimer danser sur l'océan qui génère un chiffre d'affaires de 15,5 milliards de dollars (surfwear & équipement).
Les motivations premières sondées furent la relaxation, l'harmonie avec une nature préservée et saine en extérieur, et l'aspect ludique.

G. de Soultrait rappelant le "miracle" que constitue le surf dont les origines se trouvent dans la nature profondément édhoniste de pêcheurs polynésiens découvrant lors de leurs migrations les vagues d'Hawaï, se demande avec justesse si la vague aurait une valeur sans le surf ?
Car en effet, comment les spots de surf ont-ils réussi à devenir partie intégrante du patrimoine local alors que l'action de surfer ne "sert finalement...à rien" ?
C'est donc malgré tout le surf qui a su donner au fil du temps de la valeur aux vagues par ses impacts sociaux-économiques. Les exemples de La Barre à Anglet dans les années 70, ou plus récemment Belharra, en sont les plus brillantes illustrations : si en effet cette dernière était connue depuis toujours par les pêcheurs comme une zone dangereuse, cette vague est entrée dans le patrimoine et la culture locale uniquement depuis qu'elle a été surfée en 2003.


- Quelles menaces pèsent sur les vagues et les littoraux ?

Les menaces sont de deux types :
- chroniques : pollution de l'eau, érosion, pollution sédimentaire
- spécifiques : constructions, infrastructures

Trois causes ou origines peuvent être dégagées :
- la hausse de la population toujours plus grande (qui génère donc une artificialisation du littoral)
- le développement de l'industrie (et les constructions générées par elle)
- le changement climatique, menace, elle, naturelle.

Will Henry, fondateur de Save the Waves Coalition, rappela plusieurs menaces auxquelles il fut confronté notamment sur certains spots de l'ile de Madère comme Jardim Do Mar.
Jardim do Mar fut en effet un des plus sublimes spots de gros de classe internationale. Malheureusement la magie n'opère plus aujourd'hui depuis qu'une route et un enrochement artificiel sont venus chambouler son fonctionnement. Désormais la vague ne fonctionne plus qu'à marée basse et avec une puissance nettement moins grande.
Will Henry donna également l'exemple invraisemblable et surréaliste de Ponta Delgada, une gauche magnifique disparue pour créer...une malheureuse piscine de bord de mer avec une digue gigantesque !

Même si la collectivité des surfeurs a aujourd'hui davantage de moyens de pressions que par le passé (grille pour études économiques de la valeur d'un spot, moyens de mobilisation, arguments juridiques) pour rentrer dans le débat de projets modifiant les cotes et ainsi faire pression, ce combat demeure sans relâche et malgré tout toujours celui de David contre Goliath.


- Quelles stratégies peuvent être mises en œuvre pour les protéger ?

Le but de ce symposium fut de déboucher sur la création d'un plaidoyer sur la protection des vagues et faire reconnaitre par les instances internationales, les vagues et le surf comme un bien du patrimoine mondial.

La faisabilité d'un dossier de présentation des vagues et du surf à l'UNESCO a été ainsi étudié en fin de conférence.
Depuis 1972 existe en effet le concept de "patrimoine immatériel" de l'humanité. Tout comme la gastronomie française, le flamenco ou la grande barrière de corail, une vague, ou plus globalement le surf, pourrait intéger ce répertoire.
Pour pouvoir rentrer dans cette classification, 6 critères précis doivent être remplis : le domaine faisant l'objet de la demande doit rentrer dans un patrimoine culturel humain assez large, faire l'objet d'une extreme beauté naturelle ou encore avoir une connotation universelle, ou universalisante.
Une première rencontre entre les partenaires et l'Unesco eut lieu cet été, et à la fin de l'année 2011 aura lieu une autre rencontre avec le ministère de la Culture pour évoquer la démarche avant une grande consultation du réseau concerné.

3 scénarii émergent d'ores et déjà :
- enregistrer les X vagues considérées comme "emblématiques" => quelles vagues sélectionner ?
- enregistrer le surf, son rituel et sa culture dans sa globalité => quel Etat fait la demande ?
- un enregistrement mixte, jugé nettement plus pertinent, consisterait à classer une vague et tout ce qui l'entoure au niveau culturel, économique et patrimonial.
Un lourd et passionnant travail devrait alors s'engager puisqu'il s'agirait :
=> d'identifier ces sites,
=> d'identifier la personne morale chargée du projet (l'Etat lui-même ?) et la structure ou l'organisation locale coordinatrice.

***

Il peut paraitre égoïste, inutile voire prétentieux ou indécent de vouloir défendre une vague, qui par  sa nature même, est éphémère.
La vague ne demeure en effet qu'un élément de beauté de la nature et de la culture locale d'un peuple faisant même parfois partie de sa fierté.
Mais comment prétendre vouloir imposer cela à l'humanité ?
Comme l'évoque avec justesse SL à la fin de cette journée dans sa conclusion, si pour nous, surfeurs et amoureux de l'océan, marcher au bord de l'eau au coucher du soleil et contempler les vagues ou surfer nous apparaissent comme un des plaisirs les plus précieux de l'existence, peut-on vraiment imposer cela aux générations futures ? les surfeurs n'ont en effet pas le monopole de l'esthétisme et il n'est pas honnête de pas faire preuve de despotisme naturaliste.

Alors...
Alors, il ne reste finalement plus qu'une chose, une seule chose sans quoi aucun être humain ne peut vivre dans cette vie...la passion.
Et c'est bien la passion qui nous motive tous...et uniquement cela.


"Nous sommes des êtres chanceux...nous sommes surfeurs"

Gibus de Soultrait


Plus d'infos ici :
http://www.globalwaveconference.com/

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