Mémoire liquide

Nous tâchons ici souvent d'aborder les liens qui unissent l'homme à l'océan et plus globalement à l'eau.
Les liens métaphysiques et spirituels occupent une place importante de ce lien comme nous l'avons vu au travers de l'oeuvre récente de Taki Bibelas.
Approchons-nous maintenant des raisons plus viscérales et biologiques qui pourraient expliciter cet attachement.

Eric Dellion, ostéopathe, apporta quelques pistes particulièrement intéressantes à ce sujet lors du TedX de Biarritz qui a été consacré aux océans.

Comme nous le savons, "l'océan-matrice" est le milieu qui a vu apparaître la vie sur terre.
Nous sommes tellement marqués par cette origine liquide que notre corps même en est gorgé. Plus l'homme est jeune plus son corps est rempli d'eau : 97% d'eau chez le foetus baignant dans le liquide amniotique, 75% chez le nourrisson et 60% chez l'adulte. De même, nos tissus sont imprégnés d'eau, du cerveau (75% d'eau) aux os mêmes qui, malgré leur apparente dureté, demeurent remplis d'eau à 50%.
On constate ainsi que l'eau diminue en vieillissant. Ceci expliquant la perte de souplesse du corps en vieillissant jusqu'à la pleine rigidité en fin de vie.
Plus simplement, l'eau est au centre de notre système de survie comme en témoigne l'importance de l'hydratation pour notre santé.

Eric Dellion a tenté de pousser un peu plus ces reflexions en faisant un parallèle entre les grands mouvements liquidiens des océans et ceux perçus à plus petite échelle par l'embryon.
De la même manière que l'eau façonne le monde océanique et terrestre, les mouvements liquidiens tiennent une importance fondamentale dans le développement de la vie utérine et la formation des structures fonctionnelles.

En ce qui concerne les océans, il rappelle les mécanismes de formation de la houle, des vagues et l'importance de la lune et du soleil dans le mouvement des marées par leur attraction sur l'océan.
Il est en effet interessant de réaliser que sans la lune, une journée ne durerait que 8h ou que les vagues seraient énormément plus grosses toute l'année, les marées donnant un rythme aux océans mais aussi à l'écorce terrestre qui est en mouvement elle aussi.
Ces mouvements de gonflement / dégonflement des océans se retrouvent chez chacun de nous, en particulier, comme il l'explique, au moment de l'embryogenèse humaine elle-même animée par des phases d'ouvertures/fermetures, allongement / depression...
Il nous rappelle en outre un fait totalement hallucinant que beaucoup d'entre nous ignorent : le liquide céphalo-rachidien qui baigne notre cerveau et notre moelle épinière provient du liquide amniotique emprisonné au moment de la fermeture du tube neural. Autrement dit, nous avons au coeur de notre système nerveux, et donc au plus profond de notre être, une mémoire, un reste, un vestige de notre liquide amniotique dans lequel nous baignons dans le ventre de notre mère. Cette mémoire expliquerait-elle ce besoin et ce goût pour l'eau et l'océan ?

Eric Dellion nous apprend également que l'élément liquide a une fonction formative : le liquide peut générer des formes. L'exemple pris du coeur même de l'embryon est bluffant. Le coeur ne commence à battre qu'au 21ème jour, bien après la formation des axes vasculaires de circulations !

Enfin il aborde la question du son de l'eau et son impact sur l'embryon.
Les bébés pourraient être en effet particulièrement sensible à certains mélodies, certains sons particuliers. Les battements de coeur de sa mère bien évidemment ou les mouvements de liquide résultant notamment de la circulation sanguine pourraient ainsi faire écho au calme que peut procurer à l'adulte la simple écoute du ressac de l'océan. Là encore, ce son est-il une réminiscence d'une mémoire sonore encrée en nous ? Il est en tout état de cause déjà évident que le mouvement alternatif de ce ressac est intimement lié à celui de notre respiration et son mouvement d'inspiration / expiration.

Aussi est-il probable que le fait de s'immerger dans l'océan, par ses rythmes, par sa substance, par ses mouvements, réenclenche une mémoire que nous possédons en nous et relative à la substance même de la vie.  Ce serait alors une des raisons pour lesquelles chaque plongeon dans l'océan nous apporte tant de bien-être et de sérénité.


"J'aime plonger dans la vague qui elle-même plonge au dessus de moi, m'engouffrer dans elle qui m'engouffre, me défaire en elle et avec elle, puis remonter, réémerger, renaître.
Après et durant plusieurs heures, je me sens mieux que mieux...je me sens meilleur"

Edgar Morin

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