The times they're a changin'

Faisant écho au fameux rapport du GIEC dont beaucoup de monde a pu faire état, un rapport scientifique sur le changement climatique décliné en Aquitaine vient d’être présenté.


Intitulé « Prévoir pour agir, la Région Aquitaine anticipe le réchauffement climatique », l’ouvrage fait un bilan de la connaissance scientifique sur le climat aquitain passé et présent et tente d’appréhender ses évolutions futures. Il traite également des enjeux et des mesures à prendre dès maintenant afin d’y faire face.
Ce travail est le seul actuellement mené au niveau d’une région française. Quel sera l’impact du changement climatique à l’échelle de l’Aquitaine ? Comment se traduirait un réchauffement global de plusieurs degrés sur ses paysages et ses ressources ? Quelles seraient les perspectives d’adaptation du milieu et des Hommes ?
Ce sont les questions auxquelles tente de répondre ce travail dirigé par Hervé Le Treut, climatologue, membre de l’Académie des Sciences et expert auprès du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat ) en s’appuyant sur la collaboration de plus de 150 chercheurs, toutes disciplines confondues.
A travers le territoire aquitain, cet ouvrage décline les principaux enjeux auxquels il convient dès maintenant de faire face. Ce rapport donne une vision d’ensemble, mais ancrée localement, des impacts du changement climatique.

Ayant pu consulter et parcourir le rapport, il est intéressant de réaliser un petit focus sur l'impact potentiel du changement climatique sur le littoral aquitain, et plus particulièrement sur sa vulnérabilité que nous évoquons souvent ici au travers des aléas érosion et submersion.

Ces enjeux sont en effet renforcés par la problématique du changement climatique et l'évolution des forçages côtiers. Le changement climatique induisant en effet une élévation du niveau moyen de la mer, mais aussi un changement des climats de houle et des caractéristiques des tempêtes, devrait modifier les risques d'érosion et de submersion.


EROSION

COTE SABLEUSE

Si l'on considère uniquement une lente augmentation du niveau moyen des mers, le rapport énonce que nous pouvons estimer le recul du trait de côte le long des plages sableuses par la loi de Bruun. En considérant une augmentation du niveau moyen de 0,5m à l'horizon 2100 et en s'appuyant sur les caractéristiques morphologiques du système plage/dune aquitain, cette loi prédit un recul du trait de côte de seulement 15m.
Une approche plus pertinente consiste à faire l'hypothèse que le changement climatique va accélérer les tendances évolutives en cours. Les tendances érosives sur la cote sableuse ont été définies en 2011 par l'Observatoire de la cote Aquitaine dans le cadre de l'étude stratégique de gestion du trait de côte du GIP Littoral Aquitain que nous avons plusieurs fois évoqué ici et qui prévoit en moyenne un recul sur la côte sableuse de 1 à 3 m/an avec un maximum de 6 m/an.

Un changement d'intensité de la dérive littorale dans le cadre du changement climatique affectera très certainement ces projections. D'après en effet les projections de forçage des vagues qui indiquent une baisse  de l'énergie des vagues et un décalage de l'ordre de 5° de leur orientation, il n'est pas évident de conclure sur l'évolution future de la dérive littorale. Une autre incertitude concerne la disponibilité de sable sur le plateau ou encore sur les bancs au large de l'estuaire de la Gironde. Ces stocks, essentiels en effet si on veut évaluer de façon fiable le budget sédimentaire du littoral aquitain sont très mal connus.

Dans certains secteurs, la projection est encore plus incertaine, en particulier au voisinage des embouchures et des estuaires (Soulac, Bisca, Cap-Ferret, Capbreton, Anglet) où le by-pass de sédiment, même s'il existe, est fortement perturbé. Les bancs peuvent parfois s'accoler au rivage induisant une accrétion massive, et parfois le positionnement des passes proches des littoraux adjacents induit une forte érosion des plages.

Déjà que les projections du GIP Littoral Aquitain sont fort problématiques, on comprend à quel point le changement climatique ne fera qu'accroître le degré d'érosion impactant notre chère cote sableuse.

COTE ROCHEUSE

L'impact du changement climatique sur l'érosion de la cote rocheuse aquitaine aurait certainement les impacts suivants :
- Une plus grande disparition des sédiments des plages de poche, des plages frangeantes et des matériaux en pied de falaise qui contribuent alimenter l'estran,
- Une augmentation de l'impact des vagues qui intensifierait l'action mécanique d'arrachement et de dégradation des falaises (sous-cave notamment)
- Une mise en pression de l'eau continentale contenue dans les cavités karstiques (hypothèse de travail).

Des changements de direction de houle ou des tempêtes auraient des conséquences localisées à l'échelle de chaque plage ou baie qui ne sont pas connues à l'heure actuelle. L'augmentation des fréquences de tempête conduirait fatalement  à une augmentation de la vulnérabilité des falaises et plages.

L'augmentation des pluies pourrait favoriser par ailleurs le ruissellement, la fracturation (effet à court terme, l'eau étant déclencheur) et l'altération des roches (long terme).

De manière plus pragmatique et pour rappel, ladite projection du GIP Littoral Aquitain prévoit déjà, sans prise en compte de l'impact du changement climatique, une tendance de 20cm par an d'érosion sur la cote rocheuse.


SUBMERSION

Pour les cotes rocheuses basques et les plages sableuses aquitaines l'impact direct des submersions marines est faible par rapport aux autres types d'aléas (mouvements de terrain et érosion). Par conséquent l'impact potentiel du changement climatique sur l'action de la submersion marine sur ces environnements est sans doute négligeable.
En revanche, les zones basses estuariennes et lagunaires de la cote aquitaine sont très concernées par le risque de submersion marine. Contrairement au littoral ouvert, ce sont en effet des systèmes protégés de la houle océanique, mais soumis fortement à la marée et aux courants associés, ainsi qu'aux apports d'eaux douces par les fleuves.

Estuaire de la Gironde

C'est un environnement qui accumule des sédiments fins et se comble sur le long terme. Les marais sont des anciennes baies qui se sont comblées au cours des 5000 dernières années. Ce sont des zones basses, donc très vulnérables à la submersion. Elles ont été progressivement protégées par des digues, qui représentent actuellement 130km de linéaire. Lors de la tempête de 1999, la surcote a été de 2m environ, inondant une bonne partie des marais, des digues ont cédé comme dans le marais de Mortagne en aval de l'estuaire.
De manière générale, l'élévation du niveau de la mer aura donc un fort impact sur la submersion.
La carte ci-dessous est le fruit d'une extrapolation des conditions de la tempête de 1999 si les conditions favorisant la surcote venait à se reproduire....cela fait froid dans le dos !


Estuaire de l'Adour

Les berges au niveau de Bayonne sont à une cote assez faible ce qui entraine déjà parfois des inondations. Dans la perspective d'une montée des eaux voire d'une augmentation des évènements de pluies extrêmes, ces inondations pourraient devenir assez fréquentes pour justifier des aménagements nouveaux.

Bassin d'Arcachon

C'est une lagune dont le fonctionnement hydrosédimentaire est à mi-chemin entre celui d'une baie tidale et celui d'un estuaire. Il est soumis aux actions conjuguées de la marée, des vents et des apports d'eau douce. La houle est efficace surtout dans les passes, la flèche sableuse du cap-ferret constituant la frontière naturelle entre le domaine océanique et le domaine lagunaire.
Les rives de la lagune d'Arcachon sont constituées d'estrans sablo-vaseux et de plages artificielles, bordant des marées et des zones urbaines, elles sont donc basses et vulnérables à la submersion. La tempête Xinthia a atteint l'ensemble du pourtour du bassin. La submersion marine a concerné l'ensemble des zones basses avec des hauteurs d'eau maximales de 90cm sur des distances de plusieurs centaines de mètres à l'intérieur des terres.
Si des projets comme Barcasub existent, il est encore trop tôt pour prédire l'impact du changement climatique sur la submersion sur cette zone....trop d'incertitudes scientifiques sur le niveau de la mer et de la houle aux embouchures.


CONCLUSION

Le rapport rappelle qu'au niveau des plages sableuses et des embouchures aquitaines, soumises à des vagues de forte amplitude et où les fonds sont extrêmement mobiles, la caractérisation des flux sédimentaires et de l'évolution morphologique des fonds sableux représente un véritable défi scientifique et technique.
Pour mieux caractériser le budget sédimentaire et prévoir l'évolution du littoral aquitain, il est nécessaire de disposer davantage d'information sur les stocks sableux disponibles sur le plateau et surtout sur l'évolution morphologique des côtes à une fréquence suffisamment élevée. Ceci va demande la mise en oeuvre certaine d'observations régulières et un lourd travail technique.

Les instabilités des falaises et l'érosion de la cote rocheuse aquitaine dépendent de trois agents essentiels : le rôle de l'eau douce (altération des roches, déclenchement des mouvements de terrain), les stocks sédimentaires et l'action des vagues. Un enjeu majeur de la compréhension de l'impact du changement climatique vis-à-vis de l'érosion des cotes rocheuses est donc d'étudier de manière quantitative l'évolution de chacun de ces paramètres selon des approches combinant les suivis quantitatifs in-situ (plages, falaises) et les outils de modélisation.

Beaucoup de travail à terme donc pour les collectivités territoriales....qui devront tôt ou tard intégrer ces questions dans leurs administrations, leurs organigrammes, leurs feuilles de route, et donc....dans leurs programmes de campagne (municipale notamment) !!!


PS : Synthèse des effets du changement climatique sur les principaux forçages contrôlant la dynamique du littoral :
- Niveau marin moyen : Projection des élévations du niveau marin de l'ordre de 50cm.
- Vagues : Baisse de l'énergie des vagues, et décalage vers le nord de leur direction en été (de toute manière l'été il vaut mieux surfer au nord !!!!!)

d'autres articles à consulter :
http://fbc-alaligne.blogspot.fr/2013/06/regle-de-3-alea-enjeu-risque.html
http://fbc-alaligne.blogspot.fr/2012/10/sablier.html
http://www.sudouest.fr/2013/09/27/le-rechauffement-climatique-va-se-poursuivre-et-la-region-ne-sera-pas-epargnee-1182026-3.php

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